Épisode #9 Enfant, j’ai materné ma mère


Gracieuseté photo-libre.fr
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Je n'ai jamais eu d'enfant car ma mère me disait que je n'avais pas ce qu'il fallait monétairement et en terme de solidité de relation de couple pour en avoir. Chaque fois que je lui en parlais sa réaction n'était jamais celle que j'espérais; celle d'une mère fière et heureuse pour sa fille. Pourtant, lorsque mes frères et sœurs annonçaient la venue d'un enfant, elle était au comble de la joie.

 

Pourtant on était tous issus de la même famille dysfonctionnelle et avons tous hérités d’un équilibre émotionnel fragile et instable et de la codépendance : alcool, pilules, tentatives de suicide, infidélités, dépendance affective, dépression, anxiété, crises de panique, magasinage et dépenses excessives, désordres alimentaires, refoulement émotionnel, mal de vivre, comportements extrêmes, instabilité et immaturité émotionnelle, relations de couple toxiques, difficultés relationnelles, etc. Alors, pourquoi ma mère ne voulait que j’ais des enfants? Pourquoi n'avais-je pas eu droit au même traitement de sa part ?

 

Parce que très jeune, je maternais ma mère et elle ne voulait pas perdre sa place. À 13 ans à peine, je la protégeais des abus de mon père en m'interposant entre les deux. Je pense que des membres de ma famille, c’est moi qui a été la plus exposée à la relation toxique entre mes parents.

 

J’ai vécue au cœur de leur codépendance. Très jeune j'ai été soumise à un stress énorme. J'ai développé la crainte de laisser ma mère seule, même pour aller à l'école. Je restais souvent à la maison pour veiller sur elle. J'avais peur que mon père la tue en mon absence. Je n'aimais pas l'école, en fait, je n'aimais pas être loin d'elle, cela me sécurisait de veiller sur elle. Alors, je n'avais pas de vie à moi, pas d'amis, pas d'intérêts. J'étais timide, renfermée et les autres étaient une menace pour moi.

 

J’étais dépendante de ma mère et lorsqu’elle n'était pas là, je perdais tout envie de vivre. Tantôt elle me couvait, et puis après elle m'envoyait au front pour la défendre contre les attaques de mon père. J'ai reçu tellement de messages contradictoires et vécu tellement d'ambigüité, que je ne savais pas ce qui était correct. À cause de cela, j'ai été perçue par ma fratrie comme son petit chouchou. Je me souviens m’être absentée de la maternelle durant toute une semaine lorsque ma mère a été hospitalisée pour la naissance du dernier de la famille. Quand la gardienne venait me réveiller, je faisais semblant de dormir. C’est dire que je ne fonctionnais pas en l’absence de ma mère et je cessais de faire ce que fait normalement une fillette. J'attendais son retour… la preuve de son amour pour me remettre à vivre «normalement»...  40 ans plus tard, rien n'a vraiment changé...

 

Jusqu'à tout récemment je trouvais cela «normal» qu'il en soit ainsi. Elle était si fragile et moi si forte! Mais depuis quelque temps je réalise tout le non-sens de cette situation et que c’est ma mère qui aurait dû me protéger. Cela n’avait pas d’allure qu’une fillette porte une si grande responsabilité. Et toute sa vie durant, ma mère a attendu que j'occupe ce rôle. C’est pourquoi, je me devais rester sans enfant, car elle avait besoin d'une mère.

 

ISA


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